La préhistoire au Laos
Au début des années 1930, deux géologues français, Fromaget et Saurin mettent à jour les trésors préhistoriques des grottes situées dans un triangle Luang Prabang, Sam Neua et Phongsaly : peintures rupestres, tambours de pierre mais aussi restes d’un hominidé estimés à 500 000 ans avant notre ère sont découverts.
Les fouilles effectuées depuis attestent la présence d’un hominidé ou d’un grand singe utilisant des outils en pierre brute deux millions d’années avant notre ère. Le Laos est ainsi habité ou traversé depuis des temps très reculés, d’abord par des groupes humains présentant des caractéristiques europoïdes, polynésiennes, négroïdes et australoïdes repoussés de la plaine vers le Nord sous la poussée d’envahisseurs proto-indonésiens.
Durant le néolithique supérieur (5 000 avant Jésus Christ), le type humain reste mélanésien. Le matériel en pierre polie trouvé sur les sites est remarquable de finesse. Les plus beaux tambours de bronze ont été trouvés au Laos.
Les sites se répartissent sur l’ensemble du pays. Le Nord abrite également des sites uniques de nécropoles de jarres souvent géantes et monolithiques (plaine des jarres dans la province du Xieng Khouang), des champs de menhirs et de cromlechs (province de Houa Phan) et des sépultures à puits recouvertes de dalles circulaires. Dans le centre, la plaine de Vientiane abonde en vestiges préhistoriques et dans le Sud, les régions de Savannakhet et Salavan présentent aussi de très intéressantes peintures murales.
Le Laos jusqu’au XIVe siècle
Durant cette période, il n’est pas encore possible d’évoquer stricto sensu l’histoire du Laos. Dans les premiers siècles de l’ère chrétienne, les Chams, originaires d’un royaume hindouiste du centre du Vietnam occupent le Sud du pays. Ils donneront leur nom à Champassak (les Chams de Bassak). Vers l’an 900, ils seront évincés par les Khmers dont les territoires s’étendront jusqu’à la région de Vientiane deux siècles plus tard.
Chams et Khmers sont indianisés et donc perméables au bouddhisme qui se répand dans la péninsule indochinoise à partir du VIIe siècle.
A partir du XIe siècle, repoussées de Chine vers le Sud par les invasions mongoles, les tribus guerrières T’aï s’infiltrent par Diên Biên Phu et les vallées de la Nam Ou et de la Nam Song. S’ils imposent peu à peu leur langue et leur culture, au contact des Khmers les T’aï se convertissent au bouddhisme. Ils occupent le Laos et le Nord de la Thaïlande actuelle. Une inscription siamoise de 1292 atteste l’existence d’un royaume lao autour de Luang Prabang.
Le royaume du million d’éléphants et du parasol blanc
En 1353, le roi Fa Ngum fonde le royaume du Lane Xang Om Khao, réputé être le premier royaume lao. Fa Ngum, s’appuyant sur sa descendance légendaire du roi Khun Bourom, est un rassembleur et, à son apogée, le royaume déborde largement sur le Nord de la Thaïlande actuelle et sur le Nord-Ouest du Vietnam. Il instaure le bouddhisme Théravada (bouddhisme du petit véhicule) comme la religion du royaume.
En 1373, suite à une intrigue de cour, Fa Ngum est renversé et remplacé par son fils Unhean. Les siècles qui suivent sont marqués de fréquentes guerres contre les Birmans et les Vietnamiens dont les Lao doivent parfois accepter la suzeraineté.
En 1563, le roi Setthathirat transfère la capitale du royaume de Luang Prabang à Vientiane afin de s’éloigner des menaces birmanes.
En 1637, le roi Souligna Vongsa rétablit l’unité du pays. Le royaume renoue avec la prospérité. Au XVIIe siècle, les premiers récits occidentaux évoquent l’âge d’or du royaume lao. Le marchand hollandais Van Wuystoff est ébloui par la magnificence de Vientiane et l’importance du bouddhisme au Laos. Il mentionne “les moines plus nombreux que les soldats de l’empereur d’Allemagne”. Les moines du Cambodge et du Siam viennent faire leurs études au That Luang et y recevoir leurs diplômes.
Au début du XVIIIe siècle, le roi Souligna Vongsa n’ayant pas laissé d’héritier à sa mort en 1694, la succession entraîne de violents affrontements. Le royaume est séparé en trois entités : le royaume de Luang Prabang au Nord, le royaume de Vientiane au centre et le royaume de Champassak au Sud.
En 1778, alors que les royaumes de Luang Prabang et de Champassak sont déjà sous sa domination , le Siam saccage Vientiane. L’ensemble du pays est désormais aux mains des Siamois qui emportent le Ph’ra Keo, le Bouddha d’émeraude, désormais installé à Bangkok.
En 1826, le roi Anouvong (aussi appelé Chao Anou ou Saya-Sethathirath III), installé par les Siamois sur le trône et allié de ces derniers dans leurs guerres contre les Birmans, se rebelle. Après avoir pénétré au Siam, son armée est vaincue à deux reprises et, en 1827, Vientiane, la capitale du royaume est pillée, ses habitants déportés de l’autre côté du Mékong. Seul le Vat Sisakhet qu’a fait construire Anouvong ne sera pas détruit tandis que le dernier roi de Vientiane mourra prisonnier dans une cage de fer à Bangkok en 1835.
Morcelé et pillé, la décadence du royaume lao se poursuit tout au long du XIXe siècle. Beaucoup plus faibles que leurs voisins du Siam ou du Vietnam eux-mêmes en conflit permanent, les royaumes lao font l’objet de toutes les convoitises.
La colonisation française du Laos
Arrivés au Vietnam en 1858, les Français étendent leur domination sur le Cambodge et le Laos et les regroupent au sein de l’Indochine française.
En 1861, l’explorateur Henri Mouhot (qui a retrouvé les temples d’Angkor l’année précédente) arrive à Luang Prabang.
En 1867, c’est l’expédition de Doudart de Lagrée qui remonte le Mékong jusqu’à l’ancienne capitale du royaume du million d’éléphants.
En 1883, les navires de guerre français bloquent Bangkok stoppant ainsi les prétentions siamoises.
En 1887, Auguste Pavie, nommé vice-consul de France au Laos arrive à Luang Prabang au moment où les Pavillons Noirs s’emparent de la ville. Pavie et les troupes du roi Oun Kham font reculer ensemble la bande de pillards chinois.
La diplomatie volontariste d’Auguste Pavie sera déterminante pour l’instauration du protectorat français sur le Laos et pour sa reconnaissance par le Siam en 1893. En 1904, le Siam cède au royaume de Luang Prabang les territoires situés sur la rive droite du Mékong (actuelle province de Sayabouly).
L’aristocratie lao acceptera assez volontiers la présence française. Elle a empêché l’annexion par le Siam et les Français ne remettent pas en cause la présence du roi dans son palais de Luang Prabang.
Les autorités coloniales devront néanmoins faire face à quelques mouvements de rébellion. Afin de développer un réseau routier encore inexistant, ils ont institué la « corvée » qui repose souvent sur les populations montagnardes Lao Theung, déjà en situation de quasi esclavage dans le système féodal Lao. Par ailleurs, les Français confient l’administration à des fonctionnaires vietnamiens, l’ennemi héréditaire.
L’épisode contestataire le plus sérieux se déroule durant les dix premières années du XXe siècle sur le plateau des Bolovens. Un ancien bonze d’ethnie Lao Theung, Ong Kaeo, qui prétend posséder des pouvoirs surnaturels, lance en 1901 une insurrection d’inspiration religieuse contre les Français après qu’un fonctionnaire français ait fait brûler une pagode pour affirmer son autorité.
Ong Kaeo est capturé et tué en 1910 mais un autre chef rebelle Ong Kommadam continuera la lutte jusqu’à sa mort en 1936 (année d’abolition de la corvée par le front populaire).
En 1918, des rivalités ethniques sont déclenchées par un jeune sorcier du nom de Batchai dans les hautes régions du Laos. Les populations Hmong se soulèvent contre leurs responsables lao. Il faudra trois années d’effort aux autorités coloniales pour écraser cette révolte.
Le Laos et la seconde guerre mondiale
En 1941, la France est contrainte de céder à la Thaïlande, alliée du Japon, les territoires lao situés sur la rive occidentale du Mékong. Luang Prabang ressent durement cet état de fait et, pour tenter de compenser leur décision, les Français réorganisent l’administration laotienne. Le gouvernement royal se voit conférer un peu plus d’autorité en même temps qu’un territoire plus vaste à administrer. Le prince Phetsarath Rattanavongsa est intégré au conseil du roi et prend la tête du gouvernement. Ayant eu une scolarité française, il pousse ses deux frères Souvanna Phouma et Souphanouvong (le futur « prince rouge ») à suivre des études d’ingénieur en France.
Lors du coup de force du 9 mars 1945, les Japonais s’emparent de l’Indochine. Des fonctionnaires et des militaires français sont déportés ou exécutés. Le roi Sisavang Vong et le prince héritier Boun Ou déclarent leur loyauté à la France. La population locale soutient le roi. Français et Lao mènent des actions de résistance contre les troupes japonaises.
Phetsarath prend soin de ne pas s’opposer aux Japonais et restera premier ministre lorsqu’en avril, ces derniers pousseront le roi à proclamer l’indépendance du royaume.
L’éveil nationaliste lao
Après la capitulation japonaise du 14 août, un groupe d’indépendantistes composé de notables et de jeunes aristocrates, se rassemble autour de Phetsarath. Le 27 août, les Japonais lui remettent leurs armes. Le premier ministre est convaincu que les Américains soutiendront l’indépendance et que les Français ne reviendront pas.
Le 2 septembre, un détachement militaire français arrive à Luang Prabang et demande au roi la destitution de Phetsarath. Ce dernier rappelle alors auprès de lui son demi-frère Souphanouvong qui s’est rapproché de Hô Chi Minh durant son séjour au Vietnam. Souphanouvong lui annonce son projet de création avec le Viêt-minh d’un « bloc indochinois » contre le colonialisme que désapprouve Phetsarath.
En réponse au message du roi proclamant la destitution du premier ministre, le 12 octobre, le gouvernement Lao Issara (Laos libre) est désigné par une assemblée. Le 20 octobre, Phetsarat est proclamé chef du Pathet Lao (État lao) par une chambre des représentants qui destitue un roi, désormais prisonnier dans son palais. Souvanna Phouma et Souphanouvong intègrent ce gouvernement au côté de leur frère.
Les troupes chinoises, désignées par les Alliés pour recevoir la capitulation japonaise, commencent à investir le territoire lao. Phetsarat n’exprime pas de sentiments anti-français mais désire avant tout que son pays s’extirpe de la tutelle étrangère quelle qu’elle soit. Il l’exprime par la boutade « Je suis trop vieux pour apprendre le chinois ou l’anglais ».
En mars 1946, après accord avec les Chinois, ce sont les forces françaises, épaulées par le prince Boun Ou, qui réinvestissent le Laos. Elles prennent Vientiane le 24 avril poussant le gouvernement Lao Issara à l’exil.
Le 27 août 1946, le royaume du Laos accède à l’autonomie au sein de la Fédération indochinoise et de l’Union française. Le gouvernement central est placé sous l’égide de la monarchie constitutionnelle de Luang Prabang avec Sisavang Vong comme souverain. En 1949 le Laos accède à l’indépendance.
Le Laos dans la première guerre d’Indochine 1946-1954
Peu de temps avant leur départ pour Bangkok les indépendantistes avaient renoué avec le roi Sisavang Vong remonté sur le trône d’un Laos unifié.
Le 25 octobre 1949, le gouvernement Lao Issara s’auto-dissout. Phetsarath cesse ses activités mais demeure en exil à Bangkok. Le prince rouge refuse d’abandonner la lutte. Souvanna Phouma décide de rentrer à Vientiane.
Août 1950, Souphanouvong refonde avec le soutien du Viêt-minh le gouvernement provisoire du Pathet Lao. Si une partie des nationalistes lao s’allie au Viêt-minh, une autre partie du peuple lao est farouchement anti-communiste et soutient les français.
En 1951, Souvannah Phouma devient Premier ministre. Il le sera à quatre reprises ; soit pendant près de vingt ans, jusqu’en 1975.
En 1953, une division Viêt-minh passe la frontière avec le soutien du pathet lao. Les communistes lao s’emparent d’une zone étendue comprenant le plateau des Bolovens au Sud et plusieurs provinces du Nord. C’est le début de la guerre civile.
1954, la défaite de Diên Biên Phu précède la conférence internationale de Genève qui entérine la division du Vietnam, prévoit la neutralisation du Laos et confirme la monarchie constitutionnelle mise en place depuis 1947 par les Français et reconnaît le Pathet Lao dont les forces peuvent se regrouper dans deux provinces du Nord-Est du pays. Le Viêt-minh évacue ses troupes.
Le Laos dans la seconde guerre d’Indochine 1955-1975
Le parti neutraliste conduit par le prince Souvanna Phouma redouble d’efforts afin de tenir le Laos à l’écart des camps pro-américains et communistes pour qu’il demeure en dehors du conflit vietnamien. En 1958, Souvanna Phouma est à la tête d’un gouvernement de coalition marquant le terme du processus d’unification et de réconciliation nationale mais la guerre civile reprend dès 1960. Le Laos connaîtra alors une succession ininterrompue de bouleversements politiques, de coups d’état en coups d’état.
En 1962, nouvelle tentative de parti d’union nationale formé avec les 3 partis pro-américains, neutralistes et communistes. Les seconds accords de Genève reconnaissent l’indépendance, l’intégrité et la neutralité du royaume. Le contexte géopolitique, les divergences de vue et les intransigeances auront à nouveau raison de cette union « improbable ».
1964, les États-Unis s’engagent en force au Vietnam. Pour contrer les maquis communistes qui reçoivent une aide massive du Nord Vietnam, ils cherchent à couper la piste Hô Chi Minh, réseau des routes et sentiers de la cordillère annamitique. Entre 1964 et 1974, c’est « la guerre secrète » et, de 1964 à 1969 l’opération Rolling Thunder.
Alors qu’il n’est pas officiellement en guerre, le Laos subit le largage d’un bombardier lourd toutes les 8 minutes. Il obtient ainsi le triste record du pays le plus bombardé de toute l’histoire lorsque l’on rapporte le nombre de bombes reçues en regard du nombre d’habitants. 3 millions de tonnes de bombes sont déversés par les Américains sur le Laos soit plus que pour l’Allemagne et le Japon réunis pendant toute la seconde guerre mondiale.
Les bombardements massifs s’accompagnent de largage ‘d’herbicides’ aux conséquences dramatiques (infirmités nombreuses, pollution).
Aidant massivement le gouvernement royal, les Américains obtiennent l’installation de bases de la CIA qui recrute des mercenaires parmi les minorités montagnardes, notamment les Hmongs.
Février 1973, les accords de Paris prévoient un cessez-le-feu précaire au Sud Vietnam tandis que les accords de Vientiane décident du cessez-le-feu au Laos, du retrait de toutes les troupes étrangères, de la dissolution des ‘forces spéciales’ et de la constitution, à partir de 1974, d’un gouvernement d’union nationale. L’accord est bien accueilli par la population qui aspire à la réconciliation. On estime que le conflit a fait de l’ordre de 350 000 morts, soit un dixième de la population, et autant de réfugiés.
Instauration du communisme au Laos
1975, les communistes prennent le pouvoir sous la conduite de Kaysone Phomvihane, dirigeant du Parti Révolutionnaire du Peuple Lao depuis les années 50. Ils écartent toutes les autres tendances du pouvoir. La monarchie est abolie et le Laos devient RDP Lao. Souphanouvong est président de la République et Kaysone Phomvihane, secrétaire général du parti révolutionnaire populaire lao, est nommé Premier ministre.
Le roi Savang Vatthana, la reine et le prince héritier sont arrêtés. Ils mourront quelques années plus tard dans un camp. Plus de 40 000 Lao sont envoyés dans les camps et 10 % de la population fuit en Thaïlande, aux États-Unis, au Canada ou en France.
Le communisme marxiste est appliqué de manière rigide pour la politique et l’économie. En 1986, après son constat d’échec, le congrès du parti introduit « le nouveau mécanisme économique » sous la pression et avec l’appui du FMI et de la Banque mondiale avec lesquels sont signés des accords d’assistance en 1989.
La chute du communisme en URSS vide de tout son sens l’appartenance au bloc communiste mais le Laos reste un régime à parti unique dont les dirigeants ont vécu ce qu’ils appellent « la guerre de 30 ans, de 1945 à 1975 ».
En 1984 et 1987, des conflits frontaliers opposent Laos et Thaïlande. Néanmoins, la Thaïlande reste le premier partenaire commercial du pays.
Dépourvu de constitution depuis la proclamation de la république en décembre 1975, le Laos commence la préparation d’une constitution en 1989 et adopte le texte en 1991.
Jusqu’en 1990, de nombreuses provinces connaissent une très forte insécurité en raison de la rébellion Hmong, des actions menées par les émigrés depuis la Thaïlande ou par rejet de l’occupation vietnamienne. Ayant exprimé leur opinion, des partisans du multipartisme dont des vices-ministres sont arrêtés.
1991 : le Laos adhère au groupe des pays francophones marquant ainsi l’amélioration des relations avec la France.
1994 : l’inauguration du pont de l’amitié lao-thaïlandaise marque en quelque sorte une nouvelle ouverture au monde.
1997 : le Laos adhère à l’ASEAN.
1997-1998 : le Laos subit de plein fouet la crise asiatique.
1999 : les dernières troupes vietnamiennes regagnent leur pays.
En janvier 2011 : ouverture de la bourse de Vientiane.
Février 2013 : le pays intègre l’Organisation Mondiale du Commerce.
En septembre 2016, durant le sommet de l’ASEAN qui se déroule à Vientiane, monsieur Barak Obama effectue la première visite d’un président américain au Laos depuis la fin de « la guerre secrète
Le 22 mars 2021 : monsieur Thongloun Sisoulith devient président de la République et monsieur Phankham Viphavanh est nommé premier ministre.